
J’ai partagé il y a quelques semaines une expérience de vie, une chute, une entorse. Avec cette vive impression que comme chaque chose sur cette terre, elle venait à un moment clé, même si sur l’instant je n’aurais peut être pas employé le mot « juste ».
J’y percevais déjà cet appel à la lenteur, à l’immobilité, à la présence. J’étais par contre loin de me douter que cette entorse serait aussi synonyme de création, de connexion et de mémoire…
En hébreu « entorse » se dit neka, נקע qui a aussi pour signification « détacher », « s’éloigner », « désarticuler », « devenir étranger ».
Ce sont des mots qui j’ai fait miens ces dernières semaines. Alors comment imbriquer la création avec le détachement ? La connexion avec l’éloignement? La mémoire avec la sensation de devenir étranger à soi?
Par la force de la Présence.
La racine de neka נק signifie « restreindre l’espace », pendant 3 semaines mon espace physique s’est limité à mon porche où j’ai passé de longues heures à dessiner, à lire, à écouter les oiseaux, à être présente à moi. Mais aussi à voir les autres marcher, partir. A pleurer de ne pas pouvoir partager les taches quotidiennes de la famille. A sentir la douleur de ce corps qui perd de sa force, la jambe, puis la nuque, puis le dos,. A me demander si un jour je serai à nouveau Moi. Je m’imaginais danser, marcher en forêt, courir avec les chevaux comme un rêve lointain alors qu’il ne s’était passé que 3 petites semaines et que pour sûr ce quotidien qui est le mien reviendrai d’ici peu.
C’est ce que la lenteur et la Présence impliquent, une re- co- naissance.
De l’essentiel, de ce qui nous fait être en paix à l’intérieur et qui, si on sait le voir, n’a rien d’exceptionnel, il fait déjà partie de notre vie, ou en a fait partie.
J’ai expérimenté le silence, renoué avec mes pinceaux, regarder les gens évoluer et puis… reposé le pied. Comme pour la première fois. Et repensé à toutes ces premières fois, aux premières sensations, au premier regard qui se pose, au premier toucher qui rencontre. J’ai repensé à cette enfant qui porte un objet à son nez pour le humer, pour voir si ils se connaissent ici quelque part dans le parfum.
Mon pied plat a touché le sol et à senti l’électricité de la connexion, la force de la terre face à la fragilité de son être. Mais aussi ce réseau si précieux qui lie chaque chose. Dans ce petit espace plantaire j’ai revu tout ce que j’ai vécu durant ces 3 semaines, tout ce que je suis depuis que j’ai posé les pieds sur terre et tout ce que je serai jusqu’à ce que de nouveau j’aille chercher mes racines au ciel.
Et l’entorse devient une expérience
Commenti